Préface de Claude Charbonneau,
Peu de groupes aujourd’hui peuvent se flatter d’une longévité aussi importante. Et pourtant le bagad de LANN-BIHOUE a survécu à beaucoup de faits qui tendaient à limiter ses initiatives, voire à le faire disparaître.
Mais commençons par le commencement. Nous sommes en 1952, juste sept années que le second conflit mondial a pris fin et la Base Aéronavale atteint l’âge de raison. C’est alors qu’au mess des Officiers- Mariniers, lors d’une soirée morose, comme tant de marins en ont connu dans leur carrière, deux personnes échangent des propos sur la musique bretonne et les instruments qui y sont rattachés. L’un d’eux tient en main une bombarde qu’il tente de maitriser. Un attroupement se fait et la magie prend forme. Une main en agrippe une autre et c’est une danse bretonne qui se met en place. Roumegou, un des deux interlocuteurs dont il est question, dira plus tard : « J’avoue qu’ils dansaient aussi mal que je jouais ». Rendez-vous est alors pris pour une semaine après ! Le Bagad est né. Une équipe de quatorze sonneurs, après autorisation du Commandant de la Base, le compose.
Après la première représentation à Scaer, pour le Carnaval, en 1953, le Bagad débute sa carrière hors de Bretagne dès 1954 à Paris et s’en suivront de multiples déplacements, certes limités les premières années à la Bretagne. Juste rappeler que la première tournée internationale se fera sur le Porte-Avions « BOIS-BELLEAU » pour les USA en 1957. Déjà sa notoriété est grande. La décennie 60 verra les « pompons rouges » quadriller la France et pointer le bout de leur nez à l’étranger comme en RFA mais le sommet pour l’époque sera d’accompagner le Général de Gaulle au Canada en 1967 à bord du croiseur « Colbert ». Rappelez-vous, c’est le voyage du : « Vive le Québec libre ».Certains haut-gradés rongent leur frein devant cette célébrité, eux qui considèrent les membres du Bagad comme des « guignols ». Lors d’une cérémonie sur la Base en présence des musiciens, l’un d’eux dira même : « Dégagez-moi ça. Nous ne sommes pas au cirque !»
Aussi l’occasion est bonne quand des contraintes budgétaires imposent, déjà, des restrictions. Et hop ! L’ordre de dissolution est signé. Le train de vie du Bagad devait être trop lourd à supporter par la Marine !Heureusement, un homme veille depuis quelques années sur les destinées de la troupe. Marcel FAURE, celui dont le nom est depuis un repère pour les anciens. Aujourd’hui encore ! L’Alsacien qui se met à la musique bretonne dont il ne connaissait fichtre rien !
Et lui, tel Don Quichotte enfourchant Rossinante, Marcel, aussi volontaire que notre héros espagnol, glissant son stylo entre son pouce et son index multiplie les courriers vers les plus hautes autorités pour défendre ses hommes. De manifestations devant la Base en articles de presse, tout est fait pour maintenir en service ces défenseurs de la Musique Bretonne mais aussi de l’image d’une Marine dont la Bretagne est si fière.Victoire ! Mais Marcel FAURE reçoit un blâme. Dans l’armée, on ne conteste pas la décision du chef ! C’est reparti pour le bagad. Certaines contraintes sont bien mises en place pour limiter les déplacements du Bagad et l’encadrement est revu. Ainsi, plus tard, un Officier, «de corvée» – j’en ai été un – accompagne le patron du Bagad et ses hommes. Avec un Compte-rendu au Commandant de la Base dès le retour, s’il vous plait !
Rien, semble-t-il, désormais, ne doit poser obstacle à la troupe dont ce sera vrai durant quelques années. Nationalement et internationalement, le BAGAD est devenu une référence. La mixité se fait en 2001 même si le tricorne détonne parmi les pompons rouges. Le Bagad traverse les océans et prend pied sur tous les continents. Les médias français et étrangers saluent sa réussite. Jusqu’au Président de la République qui le reçoit à l’Elysée. Il est même fait appel à lui pour ouvrir le traditionnel défilé du 14 juillet. Depuis Marcel FAURE, les responsables, car le poste n’est pas facile et demande beaucoup de disponibilités, se sont succédés un peu rapidement jusqu’à l’arrivée de Jean-Paul PERON. Eh oui, lui aussi, sera bien là au moment voulu pour défendre une fois de plus l’existence du BAGAD. Rappelons- nous, le Service National est suspendu. Résultat, sauf à changer la structure, il n’y aura pas de relève puisqu’il n’y a plus d’appelé. Jean-Paul va agir. Comme Marcel, il interpelle les parlementaires et dans une interview sur TF1 dévoile sa vision du futur bagad. Il aura alors franchi la ligne jaune. Rappelé à l’ordre par sa hiérarchie il est blâmé pour non-respect des règles militaires. Mais son action, reconnue, atteint son but. Le Bagad demeure et les musiciens deviennent professionnels.C’est ainsi qu’aujourd’hui, le Bagad a atteint la sérénité et, sous couvert d’une association, sa pérennité est assurée. Malgré tout, chacun le sait, rien n’est jamais acquis pour toujours. Et il y aura encore des hommes ou des femmes qui seront là pour porter haut les couleurs du BAGAD DE LANN-BIHOUE. Et les anciens dans cette longue Histoire ? Eh bien, ils ont toujours été présents depuis la création d’une amicale créée par Marcel Burel en 1977. Elle a bien joué son rôle dans le regroupement des anciens avec leur rencontre annuelle.En 2011, une équipe menée par Hervé LE CLERC et André PRONO organise à BADEN (Morbihan) une journée hommage à Marcel FAURE. J’y étais. Cet hommage connaît un franc succès si bien que, dans la foulée, cette équipe, qui sera élargie, est chargée d’organiser le 60ème anniversaire du Bagad à LORIENT, en 2012. Ce week-end de festivités est resté dans les mémoires.Et, pour prolonger l’ambiance et le plaisir vécus entre ami(e)s à Lann-Bihoué, les organisateurs du 60ème anniversaire en 2012 ont décidé de retrouver tous les sonneurs n’ayant pu y venir et se sont dotés d’une structure juridique adaptée à cet effet.L’Association SONERIEN LANN-BIHOUE qui poursuit toujours ses recherches, a le plaisir aujourd’hui de recenser 1826 musiciens ayant appartenu au fameux Bagad de Lann-Bihoué.De plus, étant composée de sonneurs impatients de « reprendre les clous », elle s’est dotée très vite d’une nouvelle section : « LE BAGAD des ANCIENS de LANN-BIHOUE » qui bien que récent, dispose déjà d’un press-book impressionnant !Longue Vie à lui, Claude CHARBONNEAU – Biographe du Bagad de Lann-Bihoué